Pourquoi cette question revient souvent en conformité ?
Explications :
Que disent vraiment les textes sur les élus locaux ?
La presse se fait fréquemment l’écho d’affaires de blanchiment impliquant des élus locaux. Ces affaires illustrent le niveau de risque relativement élevé des opérations financières et économiques associant des élus locaux. En outre, si on se réfère à la genèse de la réglementation LAB, l’ONU et ses états membres ont visé depuis l’origine des mesures de vigilance particulières permettant de contrôler les opérations impliquant des personnes qui ont accès à des ressources économiques publiques, pour ne pas dire des « fonds publics ».
Un des piliers de la réglementation LAB étant l’approche par les risques, en vertu de l’article L.561-10-1 du code monétaire et financier, les élus locaux – dont les maires – doivent faire l’objet de mesures de vigilance renforcée.
Article L 561-10-1 I. – Lorsque le risque de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme présenté par une relation d’affaires, un produit ou une opération leur paraît élevé, les personnes mentionnées à l’article L. 561-2 mettent en œuvre les dispositions des articles L. 561-5, L. 561-5-1 et L. 561-6 sous la forme de mesures de vigilance renforcées.
Qualifier des élus locaux de PPE ou non est secondaire
Depuis plus de 10 ans le GAFI considère les élus locaux comme des PPE (Recommandations 10 à 22). La commission Européenne dans une décision du 10 novembre 2023 a précisé les fonctions publiques importantes au niveau national, au niveau des organisations internationales et au niveau des institutions et organes de l’Union. Certains pays ont fait le choix de qualifier les élus locaux de PPE : Bulgarie, Croatie, Chypre, République Tchèque, Estonie, Italie, Lettonie, Pays Bas, Pologne, République slovaque, Espagne.
La France n’a pas fait ce choix. Mais en définitive la seule différence pratique dans le « traitement LAB » d’une personne « risquée » et d’une PPE, est la nécessité pour ces dernières d’obtenir au moment de l’entrée en relation, un accord de la direction de l’entreprise en relation d’affaires avec la PPE, et de mettre en place un reporting spécifique … même si c’est une bonne pratique avec la population globale des « personnes risquées ».
Connaître son client sans gêner la relation
Le premier moyen pour connaître son client est la collecte directe des informations auprès du client lui-même. Mais en pratique, certaines questions peuvent s’avérer « gênantes » dans la relation commerciale : « Exercez-vous des fonctions électives ? » … De plus, certains changements sont parfois difficiles à suivre : les élections, démissions, …, a fortiori quand le volume des relations d’affaires est important. Dès lors, un second moyen s’impose comme la solution la plus efficace : le filtrage.
Filtrage des maires : les données sont accessibles
Le système français des données ouvertes au public est très facilitateur. Il suffit de se rendre sur la page https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/repertoire-national-des-elus-1 et d’accéder aux fichiers maintenus par le ministère de l’intérieur afin d’intégrer ces listes officielles dans un outil de filtrage, sous réserve qu’il puisse faire la distinction entre « Personnes Risquées », « Personnes sous sanctions internationales » et « Personnes Politiquement Exposées ».
En conclusion, même si la réglementation française aurait pu être plus simple en qualifiant les élus locaux de PPE, les autorités donnent les moyens d’appliquer sans frais la réglementation. Ce n’est pas toujours le cas, il est important de le souligner.
Une démonstration en chiffres : les élus locaux très exposés
Selon Transparency International, les maires, adjoints et conseillers municipaux concentrent 39 % des affaires de corruption recensées en France en 2023 (sur plus de 1000 cas).
Illustration avec ce graphique issu de données de Transparency International :

Pour conclure : même si la réglementation française n’impose pas explicitement de classer les maires comme PPE, elle offre tous les moyens de le faire — gratuitement, et sans surcoût technique.
Filtrer les élus locaux est donc une bonne pratique, cohérente avec l’approche par les risques, défendable en cas de contrôle, et opposable au titre de la vigilance renforcée.
Nous sommes à votre disposition pour répondre à toutes vos questions, n’hésitez pas à nous contacter.
Quelques exemples de condamnations récentes impliquant des élus locaux :
- Cas 1 : Condamnation définitive et perte du mandat pour prise illégale d’intérêts.
En mai 2024, un maire réunionnais a été condamné en appel à huit mois de prison avec sursis, 10 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire pour prise illégale d’intérêts. Cette condamnation faisait suite à l’embauche, au sein d’une société publique locale, de la fille de son ancien adjoint et sœur de sa deuxième adjointe, sans compétence avérée dans le domaine concerné. Le 13 juin 2024, la Chambre du Conseil a confirmé cette condamnation, entraînant la perte immédiate de l’ensemble de ses mandats.
Source : Le Monde
- Cas 2 : En octobre 2024, un maire francilien a été reconnu coupable de corruption pour avoir perçu plus de 500 000 euros en échange de décisions favorisant des projets immobiliers sur sa commune. Il a été condamné à quatre ans de prison, dont deux ans ferme sous bracelet électronique, cinq ans d’inéligibilité, et 375 000 euros d’amende.
Source : Le Monde - Cas 3 : En octobre 2023, un maire du sud de la France a été condamné pour avoir accordé des augmentations salariales irrégulières à des agents municipaux, entraînant un préjudice financier pour la commune. La cour d’appel a prononcé une peine d’un an de prison avec sursis, 15 000 euros d’amende, et cinq ans d’inéligibilité. La condamnation a été confirmée en cassation en avril 2025, entraînant la démission immédiate de l’élu.
Source : Le Dauphiné Libéré